Le Japon, pays sûr, frappé par l’horreur absolue
En 2017, dans un pays réputé pour sa sécurité et son calme, une découverte macabre bouleverse l’opinion publique japonaise. À Zama, une banlieue tranquille de Tokyo, la police découvre neuf corps démembrés dans un petit appartement. Les victimes, toutes jeunes, ont été tuées en à peine deux mois.
L’auteur de ces crimes, Takahiro Shiraishi, n’a que 27 ans. Cet homme discret, à l’apparence ordinaire, a su dissimuler sa monstruosité derrière un visage calme et banal. Le Japon, sidéré, découvre alors l’existence d’un tueur en série comme il n’en avait pas connu depuis des décennies.
Une disparition inquiétante comme point de départ
Tout commence le 24 octobre 2017. Un Japonais, habitant à Hachioji, appelle la police : sa sœur de 23 ans n’a plus donné signe de vie depuis plusieurs jours. Dépressive, la jeune femme semblait fragile, ce qui pousse les enquêteurs à agir vite. En exploitant les caméras de surveillance, ils retracent son dernier trajet.
Sur les images, elle apparaît aux côtés d’un homme dont le visage n’est pas clairement visible. Mais le frère, refusant d’attendre, mène sa propre enquête. Il explore le compte Twitter de sa sœur et y découvre une série d’échanges troublants avec un certain « Kubitsuri-shi », un pseudonyme qui signifie littéralement « bourreau professionnel ».
Le piège du “bourreau professionnel”
Sur le réseau social, « Kubitsuri-shi » attire des femmes en détresse, souvent dépressives ou suicidaires, en leur proposant de « mourir ensemble ». Le frère comprend vite qu’il tient une piste sérieuse.
Avec l’aide des enquêteurs, il contacte une autre femme qui discute avec le même individu. Elle accepte de servir d’appât. Une opération est montée : un rendez-vous est fixé dans le métro.
Le suspect se présente, attend, puis repart, ignorant qu’il est suivi. Lorsqu’il rentre chez lui, la police le rejoint. En ouvrant la porte, il reste d’un calme déroutant. À la question « Où est la disparue ? », il répond simplement :
« Dans cette glacière. »
L’appartement du cauchemar
La scène qui s’offre aux enquêteurs dépasse l’entendement. Dans la minuscule habitation de Zama, ils découvrent plusieurs glacières, des caisses, des sacs… et à l’intérieur, des restes humains. Plus de 240 fragments d’os sont retrouvés. Des têtes, des bras, des jambes.
Pour masquer l’odeur, Shiraishi a utilisé de la litière pour chat. Il explique avoir « arraché » la chair des corps avant de la jeter aux ordures. Les voisins, stupéfaits, assurent n’avoir rien remarqué, mis à part une odeur étrange dans le couloir.Dans un pays où le nombre de meurtres reste inférieur à 1 000 par an pour plus de 120 millions d’habitants, cette découverte déclenche une onde de choc nationale.
Le visage du monstre : un homme discret et poli
Lorsque son identité est révélée, le Japon découvre un jeune homme à l’allure sans histoire. Takahiro Shiraishi portait des lunettes, parlait doucement et saluait ses voisins. Ancien élève « banal et discret », il travaillait auparavant comme « recruteur » dans le quartier rouge de Kabukicho, à Tokyo.
Son rôle consistait à approcher des jeunes femmes pour les clubs d’hôtesses. En 2011, il avait déjà été condamné avec sursis pour avoir participé à une affaire de prostitution forcée.
Ce passé trouble, combiné à une personnalité isolée et instable, aurait peu à peu façonné un prédateur dangereux.
Un esprit dérangé, nourri par la solitude et Internet
Depuis des mois, Shiraishi publiait sur les réseaux sociaux des messages d’une noirceur inquiétante. Il proposait des « conseils » aux personnes suicidaires, leur parlant de mort avec un détachement clinique.
« La douleur dure moins longtemps si vous choisissez la pendaison », écrivait-il.
« Si vous pensez au suicide, contactez-moi. »
Derrière cette apparente empathie, il cachait un piège. Il approchait ses victimes, gagnait leur confiance, puis les attirait chez lui avec la promesse d’un suicide commun. Au lieu de cela, il les tuait froidement, souvent le jour même de leur rencontre.
Neuf victimes en deux mois
Le premier meurtre aurait eu lieu à la fin du mois d’août 2017. Les suivants s’enchaînent rapidement. Huit femmes et un homme. Ce dernier, désespéré, cherchait sa petite amie disparue.
Lors de son interrogatoire, Shiraishi raconte tout, sans émotion. Il dit avoir tué pour de l’argent — il aurait volé environ 3 750 euros à ses victimes — et pour ce qu’il appelle des « motifs obscènes ».
Il confie qu’il lui a fallu trois jours pour découper sa première victime, mais qu’il était « capable de le faire en un jour » à partir de la deuxième. Ces aveux, livrés avec calme, sidèrent les enquêteurs.
Un pays en état de choc
L’affaire Takahiro Shiraishi a profondément marqué le Japon. Dans une société où les crimes violents sont rares, la brutalité de ses actes réveille des peurs enfouies. Comment un homme aussi ordinaire a-t-il pu devenir un tel monstre ?
Les psychologues parlent d’un isolement extrême, d’une perte de repères, d’un vide émotionnel alimenté par la solitude urbaine. Les réseaux sociaux, souvent utilisés comme refuge, sont ici devenus l’arme du crime.
Un procès glaçant
En 2020, Takahiro Shiraishi est jugé à Tokyo. Tout au long de son procès, il reste impassible. Ses déclarations choquent jusqu’aux juges.
« Elles voulaient mourir, alors je les ai aidées », lâche-t-il sans la moindre trace de remords.
Cette phrase résonne encore comme le symbole du cynisme et du vide moral d’un homme déconnecté de toute humanité.
Le verdict tombe : peine de mort. Un jugement rare, mais à la hauteur de l’horreur de ses crimes.
L’héritage sombre du “tueur de Zama”
Aujourd’hui, l’appartement de Shiraishi n’existe plus. Il a été vidé, désinfecté, anonymisé. Mais dans la mémoire collective japonaise, le nom de Zama reste associé à la peur.
L’affaire a ravivé le débat sur la santé mentale, la solitude et la responsabilité des plateformes numériques. Car si Shiraishi a pu agir, c’est aussi parce qu’il a trouvé ses proies là où elles cherchaient de l’aide : sur Internet.
Plus qu’un simple fait divers, le drame de Zama est devenu une leçon nationale sur la fragilité humaine et les dérives d’un monde hyperconnecté.






