Quand on capture son premier Pokémon dans les hautes herbes, on ne réalise pas toujours qu’on parcourt une version fantaisiste du Japon. Depuis 1996, les créateurs de la franchise ont puisé leur inspiration directement dans la géographie et la culture de l’archipel nippon. Derrière chaque région Pokémon se cache un véritable territoire japonais, avec ses paysages, ses traditions et son histoire.
Partons à la découverte des cinq régions japonaises qui ont façonné l’univers Pokémon.
1. Kantō : là où tout a commencé
La région de Kanto dans Pokémon porte exactement le même nom que la véritable région du Kantō au Japon. Ce n’est pas un hasard : c’est ici que Satoshi Tajiri, le créateur de Pokémon, a grandi et puisé son inspiration.
Né à Machida en 1965, dans la banlieue ouest de Tokyo, Tajiri a passé son enfance à explorer les forêts, les étangs et les rivières de son quartier. À l’époque, cette zone était encore semi-rurale, et le jeune Satoshi adorait collecter des insectes, ce qui lui valut le surnom de « Docteur Insecte » parmi ses camarades. C’est cette passion pour la capture et l’échange de petites créatures qui deviendra le cœur même de l’univers Pokémon.
Bourg Palette, le village où débute l’aventure de tout dresseur, s’inspire directement de Machida et de Shimoda. Les correspondances entre les villes fictives et réelles sont frappantes : Safrania représente Tokyo avec ses gratte-ciels, Céladopole évoque les quartiers commerçants animés de Shibuya et Harajuku, tandis que Carmin-sur-Mer s’inspire du port de Yokohama.
En 2020, la ville de Machida a d’ailleurs installé des « Poké Lids » (plaques d’égout décorées de Pokémon) dans le parc Serigaya, rendant ainsi hommage à son lien historique avec la franchise.
2. Kansai et Chūbu : le Japon traditionnel de Johto
Introduite avec Pokémon Or et Argent, la région de Johto est un véritable voyage dans le Japon traditionnel. Elle s’inspire des régions du Kansai et du Chūbu, situées à l’ouest de la région du Kantō sur l’île principale de Honshū.
Le contraste avec Kanto est saisissant. Là où la première génération évoquait l’urbanisation moderne, Johto célèbre le patrimoine culturel japonais. Rosalia, avec ses deux tours emblématiques (la Tour Cendrée et la Tour Carillon), représente la ville de Kyoto, l’ancien cœur culturel et religieux du Japon. Les designs des bâtiments rappellent les temples et pagodes qui font la renommée de cette ville historique.
Doublonville, la métropole économique de Johto, correspond à Osaka, troisième plus grande ville du Japon et centre commercial majeur. Les autres correspondances sont tout aussi révélatrices : Oliville représente le port de Kobe, tandis que les noms des villes de Johto, tous basés sur des végétaux (Bourg Geon, Ville Griotte, Écorcia…), reflètent la connexion profonde entre cette région et la nature.
Les légendes de Johto, notamment celles entourant Ho-Oh et Lugia, s’inscrivent dans la tradition des mythes shintoïstes japonais, où les divinités de la nature occupent une place centrale.
3. Kyūshū : l’île tropicale de Hoenn
Avec Pokémon Rubis et Saphir, Game Freak nous emmène sur l’île de Kyūshū, la plus méridionale des quatre grandes îles japonaises. Pour créer Hoenn, les développeurs ont fait pivoter la carte de Kyūshū de 90 degrés, mais les ressemblances restent évidentes.
Kyūshū est connue pour sa diversité géographique exceptionnelle : volcans actifs, plages tropicales, forêts denses et zones marécageuses. Cette variété se retrouve parfaitement dans Hoenn, qui propose l’un des environnements les plus riches de la série. Le Mont Chimney, volcan emblématique de la région, s’inspire directement du Mont Aso, le plus grand volcan actif du Japon.
Les correspondances entre les villes sont également parlantes : Ferrugipolis représente Kitakyushu, ville industrielle spécialisée dans la métallurgie. Le chantier naval de Port Selcepoli fait écho à celui de Nagasaki. Même les sources chaudes de Lavandia rappellent les célèbres onsen (bains thermaux) des villes d’Aso et de Beppu, destinations prisées des Japonais en quête de détente.
Fait intéressant : le village de Cénèrides, situé près d’un volcan éteint, s’inspire non pas du Japon mais de l’île de Santorin en Grèce, montrant que les créateurs n’hésitaient pas à intégrer des influences internationales quand le design l’exigeait.
4. Hokkaidō : les terres sauvages de Sinnoh
La quatrième génération nous transporte au nord, sur l’île d’Hokkaidō, dont Sinnoh est une représentation presque parfaite. La forme géographique de la région reprend fidèlement les contours de l’île, à tel point qu’il est impossible de ne pas remarquer la ressemblance.
Hokkaidō, située au nord de l’archipel nippon et proche de la Sibérie, est connue pour ses hivers rigoureux (températures oscillant entre -4°C et -12°C), ses paysages montagneux et ses vastes étendues sauvages. Ces caractéristiques se reflètent dans Sinnoh : la neige omniprésente de Frimapic, le climat rude du nord de la région, et l’ambiance mystique qui imprègne l’ensemble.
Le Mont Couronné, qui domine Sinnoh et la divise en deux, correspond à la chaîne de montagnes d’Ezo. Cette montagne centrale joue un rôle crucial dans la mythologie de la région : c’est là qu’Arceus, le dieu créateur, aurait façonné le monde. Cette dimension mythologique fait écho aux légendes aïnoues, le peuple autochtone d’Hokkaidō, dont la culture était profondément liée à la nature et aux esprits.
Féli-Cité représente Sapporo, capitale d’Hokkaidō. Le Lac Vérité correspond au Lac Toya, le Lac Courage au Lac Kussharo. Même des territoires disputés entre le Japon et la Russie sont intégrés : la Zone de Combat s’inspire de l’île de Sakhaline.
Avec Légendes Pokémon : Arceus, sorti en 2022, les joueurs ont pu découvrir Hisui, la version historique de Sinnoh inspirée de l’Hokkaidō du début de l’ère Meiji (vers 1869), quand l’île était encore appelée Ezo et demeurait un territoire sauvage et peu peuplé.
5. Un univers en expansion au-delà du Japon
Si les quatre premières générations de Pokémon restent ancrées dans la géographie japonaise, la franchise s’est depuis ouverte au monde entier :
- Unys (génération 5) s’inspire de New York et Manhattan
- Kalos (génération 6) représente la France, avec Illumis en miroir de Paris
- Alola (génération 7) évoque l’archipel d’Hawaï
- Galar (génération 8) reproduit le Royaume-Uni
- Paldea (génération 9) s’inspire de la péninsule ibérique
Cette évolution reflète l’ambition de Game Freak de faire de Pokémon une véritable lettre d’amour au tourisme mondial, tout en conservant l’essence de ce qui a fait le succès de la série : la découverte, l’exploration et l’émerveillement face à la diversité du monde.
Visiter le « vrai » monde Pokémon
Pour les fans de la franchise qui voyagent au Japon, ces correspondances offrent une expérience unique : parcourir les rues de Kyoto en pensant à Rosalia, contempler le Mont Aso en imaginant le Mont Chimney, ou se promener dans les parcs de Machida sur les traces de Satoshi Tajiri.
Le Japon a d’ailleurs bien compris cet attrait : les Poké Lids, ces plaques d’égout décoratives à l’effigie des Pokémon, sont désormais disséminées dans tout le pays, transformant une simple balade en véritable chasse au trésor pour les fans.
Que vous soyez dresseur depuis la première génération ou nouveau venu dans cet univers, le voyage au Japon prend une dimension supplémentaire quand on réalise que chaque route, chaque ville, chaque montagne que l’on a parcourue virtuellement trouve son écho dans la réalité de l’archipel nippon.
